ST MARY’S CATHEDRAL
San Francisco – 1967-1971
Architectes Pier Luigi Nervi, Pietro Belluschi, John Michael Lee, Paul A. Ryan and Angus McSweeney
Photo Herman Mao – (Complément en pages annexes)
Un sas, en bois, très tamisé, de plafond bas, sec et sombre formait la transition vers l’intérieur.
A l’ouverture de la deuxième porte, je me suis trouvé sous un socle de béton de plusieurs mètres de large et d’une hauteur équivalente. Il était posé sur deux appuis très distants. Cet élément ne me permettait pas encore d’apercevoir l’ensemble du volume intérieur, mais il m’a été utile pour patienter. J’avais besoin de ralentir… Au bout d’un petit moment, j’ai commencé quelques pas, dans une direction légèrement de biais pour sortir du couloir formant l’axe principal. Une fois suffisamment proche des derniers bancs disposés de façon rayonnante autour du cœur de la face opposée, j’ai eu la possibilité d’un aperçu de l’ensemble du volume. J’ai levé les yeux et j’ai de nouveau marqué un arrêt. L’air était bon, frais mais pas froid il était immobile et immense, sa matière était presque rendue lisible par la présence de la lumière. Cette atmosphère m’a propulsé dans mes pensées. C’était comme si tout à coup, mon cœur et mon corps s’étaient agrandis, comme pour y créer un espace a l’intérieur duquel je puisse entrer pour penser. On m’avait enlevé un poids, on m’avait libéré en me faisant oublier tout le quotidien.
Je me remis à marcher, en longeant l’espace à gauche, en dehors du grand volume. Peut être par respect du mystère qui semblait le soutenir. Il y avait beaucoup de résonance mais je n’entendais que quelques bruits de pas minuscules. Ce lieu imposait le respect.
En m’approchant de l’une des quatre piles sur lequel était posé l’ensemble du bâtiment, j’ai été à nouveau saisi. J’ai tourné autour, touché, regardé cette matière, ses fissures. J’ai jeté mon regard vers le haut de la voute, et j’ai suivi les charges invisibles des masses qui descendaient jusqu’à cet appui, proportionnellement si fin, si faible. J’ai réfléchi quelles pouvaient être les déformations et les poussées qu’il pouvait subir, et j’ai pensé à cette ville qui est en zone extrêmement sismique. Malgré tout, un architecte, par sa passion et son acharnement à vouloir créer, émouvoir a tenté et convaincu pour réaliser une telle prouesse. Et moi minuscule, je profite, je prends.
J’étais silencieux, je tournais en rond n’osant pas m’éloigner de cette pile pour laquelle j’avais du respect.
J’ai alors commencé à photographier.
POINTS CLÉS :
- Le jeu du poids
- La performance
MATIGNON BUILDING
immeuble de bureaux – Paris 8e – 1973-1976
Architecte Vittorio Mazzucconi
Photo Inaki
C’est en regardant dans l’objectif de la camera que j’ai saisi quelque chose. Je pensais que ce qui me plaisait sur ce bâti c’était le rapport au paysage Parisien. Bien qu’il y soit, en fait au fond, je pense pas que ce soit ce point qui m’ai principalement accroché. En observant de plus près le bâtiment, j’ai ressenti un grand plaisir à regarder la jonction entre la pierre et le verre. La technologie du verre et la simplicité de la pierre. L’entrelacement, la pose de la pierre de manière libre. Et la pierre qui retourne les ornements des ouvertures. La pierre qui commence à dessiner une matière d’ouverture et qui se termine en verre. Le verre, avec un même rayon de courbure que les linteaux en pierre évoqués, trace des lignes, comme des fenêtres inexistantes, disparues et inutiles.
Cette pierre qui a verdi avec le temps, s’est usée sur son dessus. Bien qu’elle soit formée par des cubes, sa matière est brute, un peu rugueuse et poreuse. Ce qui accentue le contraste avec le verre.
La structure du verre qui s’effile vers le haut, comme si elle cherchait à montrer une direction, mise en valeur par ses reflets variés et allant en s’éclaircissant.
POINTS CLÉS :
- Interprétation culture du lieu
- Communication, l’instant et le passé
- Unité de paysage
- Performance
CRYPTE DE LA COLONIA GÜELL
Santa Coloma de Cervello – 1898, 1908-1914
Architecte Gaudi
Photo www.tripadvisor.com
Après un jour de travail sur mon mémoire, j’ai fait un rêve. Il était très complexe, peut être un peu comme tous les rêves au fond, mais celui là avait quelque chose de curieux, il parlait d’architecture de manière théorique.
On était dans un espace extérieur, ni chaud ni froid, peut être comme dans un film noir et blanc. Il y avait de longs palmiers extrêmement fins, hauts et chétifs. Ils étaient laids. Autour, des bâtiments de cinq ou six étages d’allure standard. Je ne me souviens plus vraiment la fonction mais ça ressemblait à une zone de bureaux. Nous étions un groupe de personnes qui parlions d’architecture, du moins, au début je ne le savais pas, mais il y avait des discussions qui portaient sur ces bâtis autour de nous. Chacun son tour, quelqu’un expliquait pendant que les autres écoutaient. A un moment, mon père c’est trouvé là.
Il racontait l’histoire d’un lion agressif, qui saccageait tout autour de lui. Il avait préparé un film pour argumenter son explication, mais il ne le montrait pas, je ne sais plus pourquoi, un problème technique, ou peut être une peur de paraître prétentieux.
Mon rêve fait un petit saut et passe directement à une scène suivante.
Les autres étaient partis à l’écart et mon père me racontait un bâtiment qu’on apercevait au loin, et, enfin il réussit à faire fonctionner son film. Fier de lui, il riait.
En fait dans le film, il y avait deux félins, un lion et une sorte de panthère. Ils se bagarraient un peu entre eux, et jouaient de manière plutôt agressive avec une grosse boule en forme d’oeuf,
ils couraient, s’arrêtaient, repartaient, tendait la patte pleine de griffes et frappaient…
Mais cette boule qui roulait par terre, ce n’était pas un œuf, ce n’était pas du bois, ni même un jouet. C’était un homme.
Les impacts incessants lui faisait faire des va et vient, comme un pantin.
Il gisait sur le sol.
Un jour, le lion se mit prendre ses distance et à regarder les hommes,
à les observer.
Il en devint d’abord attendri, puis par la suite il finit même par en devenir attentif.
C’est alors que le lion c’est trouvé là, assis, entre les hommes.
La scène était amusante, il était au moins deux fois plus grand que eux et tout poilu.
Petit à petit, il se transformait, il rétrécissait, son bassin se formait, des mains apparaissent, des jambes et des pieds…
Le lion devenait un homme.
C’est alors que je me suis réveillé, et par le souvenir de ce rêve, j’ai compris quelque chose.
Un homme qui commence à être attentif aux autres, devient un homme.
Je pense que Gaudi était un de ceux là.
POINTS CLÉS :
- La main de l’homme
- Performance
- Le jeu du poids
CENTRE MUNICIPAL D’ALCOY
Alcoy – 1992-1995
Architecte Calatrava
Photo : http://arquitecturamashistoria.blogspot.fr
Je suis très attiré par cet espace pour son expression organique et animale, un peu comme à l’intérieur d’un corps, ainsi que de part son côté enfoui et sa mystérieuse lumière.
Lorsque j’ai visité ce lieu, les portes principales n’étaient pas ouvertes. On m’a donc conduit au souterrain par un ascenseur. Le temps de descente était amusant.
En entrant dans cette pièce, l’échelle des arcs semblait différente de ce que je m’étais imaginé. Elles étaient grandes, fines et plus espacées. Le caractère intérieur du corps se percevait bien depuis les entrées. La lumière était douce et bien étalée. Le sol en pente suivait la topologie de la place.
Cette structure de voutes souterraines me laissait imaginer la pression des masses environnantes. Pourtant, je me sentais protégé. Le corps servait de réconfort.
POINTS CLÉS :
- Le jeu du poids
- Communication, entre l’instant et le passé
- Performance
METROPOL PARASOL
Plaza de la Encarnacion – Séville – 2011
Architecte Jürgen Mayer
photo Inaki
Film,
La vie autour
POINTS CLÉS :
- Communication entre l’instant et le passé
- Contraste, aller ailleurs
- Attentif à l’existence de l’environnement
- Performance
SEA RANCH CHAPEL
USA, California – 1985
architecte J.T. Hubbell
Photo tripadvisor.com
Je me souviens, la première fois que je l’ai découvert, j’ai été d’abord attiré par les volutes de sa toiture en bois.
Cette forme de plusieurs courbures qui s’assemblent sur les arêtes est d’une complexité géométrique très attrayante. Épaisses et consistantes, ce ne sont pas des pétales qui s’assemblent, ni des feuilles, mais plutôt des quartiers d’un légume coupé en morceaux ou des gros copeaux de bois. Par leur double face, – dessus / dessous – elles évoquent le vivant, animal ou végétal, cherchant à protéger son intérieur. La matière supérieure, d’une texture naturelle, usée par le temps fait office de peau, tandis que la face inférieure, fragile, chaleureuse suggère un intérieur. Le vide vertical, écarte les volumes et laisse entrevoir un interstice invitant au doute, à la curiosité.
Il est posé sur un socle de pierre formé en résonance avec les coupes de peau. Le socle légèrement enfoui se lie à la terre, la peau à la végétation. Différent et égal à la fois, l’ensemble s’assimile à son environnement. Il prend sa place, devient un être entier et admire le lieu.
POINTS CLÉS :
- La main de l’homme
- Interprétation culture du lieu
- Contraste, aller ailleurs
- Communication entre l’instant et le passé
- Unité de paysage
- Performance
- Attentif à l’existence de l’environnement
MUSÉE GUGGENHEIM
Bilbao – 1997
Architecte Franck Gehry
Photo Inaki
Je suis confus quant à ce lieu. L’ayant visité maintes fois, je me retrouve dans une situation ou l’émotion certaine de la première fois à été transformée par l’ensemble des visites.
De plus, dans les visites suivantes, préparé à la situation, les émotions de moindre force m’ont mélangé dans le souvenir de ma première fois.
La description qui suit, issue principalement de ma première visite sera donc en partie altérée par ma conscience sans obligatoirement être systématiquement issue du souvenir d’une émotion.
Sur l’esplanade, j’ai cherché l’entrée au musée. Pas d’inscription, il fallait se fier à l’architecture. Bien qu’en lisant les plans l’entrée y soit évidente, je me suis dirigé vers une entrée située au même niveau, correspondant au restaurant et boutique du musée.
En fait l’entrée se situe en bas de larges escaliers descendants. La façade de verre fermée et le manque de dégagement m’a fait hésiter. J’ai descendu, lentement, en m’approchant des faces de titane qui attirent de loin. J’ai observé les détails, j’ai touché.
En bas, face à une paroi de verre s’effilant dans une souplesse animale, la structure en acier est visible, parallèle à la paroi. Ce profil d’acier dominé par une courbure donne une impression de sculpture. D’un ajustement méticuleux d’une précision d’exécution, d’une complexité technique, je suis resté quelques instants, le nez en l’air à penser à la réalisation. Impressionné par cet extraordinaire.
A l’intérieur, les formes qui se cachent toujours plus loin invitent à marcher. A chaque mouvement, l’espace a changé et offre une surprise nouvelle.
Sur la face des volumes, la lumière dessine ses propres lignes, elle glisse sans laisser de trace. Elle offre une variation.
A l’extérieur, dans la rue qui se dirige vers le musée, le contraste entre les différentes fonctions, matières, représentations du temps évoquent un animal, ou une végétation lumineuse qui s’installe et s’étale dans toute la ville.
La ville qui avant cette transformation était jonchée d’amas d’acier, parfois haut de plus de dix mètres, de bâtiments purement fonctionnels, relativement sales et utilisés pour l’industrie navale. Ils avaient un fort usage d’acier. Les rives du Nervion était l’épicentre de cette activité. Lors du lancement de ce projet, cette activité en chute était culturelle dans la ville. Le choix d’avoir utilisé l’acier pour ce musée permet une connexion historique à son passé et à l’identité des habitants. En ce qui concerne la culture, le pays basque a toujours cherché à obtenir une indépendance, avec des actions plus ou moins présentes. La ville de Bilbao étant la capitale, ce bâtiment dessiné comme des pétales qui sortent d’un intérieur explosif me paraît bien symbolique et approprié.
POINTS CLÉS :
- Interprétation culture du lieu
- Communication entre l’instant et le passé
- Contraste, aller ailleurs
- Performance
MERCAT SANTA CATERINA
Barcelone – 2005
Enric Miralles and Benedetta Tagliabue
Photo desigbarcelona.com
Autour
POINTS CLÉS :
- Interprétation de la culture du lieu
- Communication entre l’instant et le passé
- Contraste, aller ailleurs
- Attentif à l’existence de l’environnement
- Performance
SHELL HOUSE
Japan – Karuizawa – 2008
Architecte ARTechnic Kotaro Ide
Photo designboom.com
Bien qu’une partie de son environnement ait été modifiée, la maison se pose délicatement sur un lit de nature. Le projet est adapté, contraint par des spécificités du site, comme les arbres existants. Il s’assimile un peu à cette photo de Hundertwasser (voir dans la suite) ou, dans un environnement naturel dominant, quelqu’un se pose avec respect et profite de ce qu’il lui est offert, sans chercher à le dominer. Le projet est plus petit (plus bas) que les arbres, il s’élève du sol pour plus de confort et sa propre unité, mais accueil néanmoins les échanges entre les deux mondes par quelques marches légères posées sur le sol. Celles ci font office de transition entre la nature et l’homme.
La coque de béton, pour minimiser son intrusion, touche le moins possible le sol, comme une araignée d’eau, elle touche l’eau sans jamais l’altérer.
Un élément nouveau s’installe délicatement dans un environnement sans détruire l’autre, bien qu’elle en soit modifiée. La nouvelle ne domine pas et accepte l’état et la consistance du lieu existant, pour ensemble en former un nouveau ; L’objet devient un support pour la nature.
POINTS CLÉS :
- Communication entre l’instant et le passé
- Contraste, aller ailleurs
- La main de l’homme
- Performance
- Attentif à l’existence de l’environnement
PEDRERA
Barcelone – 1905
Architecte Gaudi
Photo Inaki
J’ai approché cet édifice sans même m’en rendre compte. Je savais que des oeuvres de Gaudi étaient dans ce secteur, alors c’est en errant doucement que je suis tombé dessus.
Le bâti s’intègre dans l’alignement des immeubles adjacents et n’est pas vraiment visible de loin. Au fond, avec de la distance il s’assimile plutôt à l’architecture du lieu ou peut-être aussi de l’urbain en général ; les niveaux intérieurs repérables en façade sont de hauteur équivalente aux immeubles voisins, les fenêtres donnent sur la rue bien qu’il y ait une cour intérieure, quelques balcons sont disposés et prennent part à la façade. D’une certaine manière, on pourrait dire que ce bâti est conforme et similaire à ce qui se fait autour, pourtant il est tellement différent…
Je m’étais arrêté en bas, dans un café depuis lequel je pouvais regarder l’immeuble. Je le voyais en contre plongée, un peu comme la photo ci dessus. Cet angle de vue mettait en valeur le soin apporté aux lignes horizontales de chaque niveau. Ces lignes délimitent les zones d’ombre à celle de lumière. Elle rassemble chaque élément de la façade, du balcon, au poteau, à l’ouverture jusqu’à l’autre balcon. Chaque ligne est différente. En les observant avec attention, les proportions entre les faces relativement verticales et celles qui devenaient horizontales paraissent toutes volontaires.
Une telle précision dans une telle complexité volumétrique m’émeut. Comment avait-il pu être aussi précis avec une matière si lourde, si difficile à manipuler. L’épure de chaque pierre est différente, mais elles n’en sont pas moins parfaitement ajustées. Le contraste entre la rugosité de la matière et la précision de ses lignes et de ses joints est stupéfiant.
Les balcons en acier sont forgés dans une forme toujours variable. Chaque bacon est une œuvre en soit. Un contraste se forme entre la paisible ligne de la pierre et cette touffe vivante, presque végétale de l’acier. L’effet d’ensemble et d’unité reste néanmoins présent, peut être par le choix d’utiliser seulement deux matières ainsi que d’avoir maintenu les teintes naturelles de chacune des matières.
L’ensemble telle une chair ou un squelette massif, mi animal mi végétal à des angles adoucis, une peau douce et chaleureuse. La dominance de l’homme face à la nature marquée par la ligne droite et la perfection technologique s’estompe.
POINTS CLÉS :
- Interprétation de la culture du lieu
- Unité de paysage
- La main de l’homme
- Performance
CONCLUSION
L’homme.
Il est un des points auxquels je suis le plus attaché. Tout tourne autour de lui, que ce soit de sa capacité physique ou de son esprit.
Le travail d’une pierre, la sculpture de bois, du cuir sur un mur ; dans la matière qu’il utilise et qu’il forge de ses mains, les détails, le soin et l’application de son art sont toujours visibles. L’architecte artisan.
De la même manière, l’implication et la performance de son esprit peuvent être sensationnels. Un projet exceptionnel, inhabituel, nécessite un dévouement pour résoudre l’ensemble des difficultés nouvellement rencontrées.
En ce qui concerne la gravité, elle est une prise de risque et un engagement dans la difficulté. Le résultat en est d’une émotion presque systématique.
Avec l’expérience, la performance s’améliore encore.
Dans l’observation de l’art, il est possible de ressentir le caractère ou l’état d’âme de l’artiste. Dans l’architecture, j’aime observer la simplicité, l’humilité, la sincérité et l’implication.
L’existence
Cette partie concerne l’attention prise par l’architecte à ce qui vivait là avant l’implantation du projet. Bien qu’il puisse y avoir beaucoup de changements après la construction, il faut que l’environnement s’approprie le nouveau comme une part intrinsèque à lui même. Le projet a utilisé l’environnement pour s’installer et restitue sa contrepartie.
La continuité
La prise en compte d’un contexte historique dans un projet est un choix. Lorsqu’un projet prend en compte le passé culturel et architectural propre à l’environnement ou il s’implante, le projet s’insère dans une continuité.
Autour de la continuité, il est intéressant de mentionner l’ambiguité du « contraste », car il est aussi représentatif de la rupture. En l’occurrence, ce sera sur cette combinaison que les projets puiseront leur intérêt.
Le contraste est passionnant lorsqu’il cumule un attachement au passé avec une prise en compte du présent ou mieux, d’une vision d’un avenir. Le contraste permet entre autre, de se libérer.